[Journal de bord] Traversée Lisbonne – Porto Santo

Jour 1

Ca y’est nous sommes partis direction Madère.

Nous avons cuisiné toute la veille : beaucoup de légumes cuits séparément dans des bocaux. Cela me permet de réutiliser les bocaux de conserve vide, car la place est très limité.

Nous tirons quelques cartes de l’oracle en espérant avoir des pistes pour mieux appréhender la traversée. Je sens que Romy angoisse un peu. Elle demande d’ailleurs des conseils pour bien la supporter. Liv, quant à elle, demande quoi faire pour avoir des rollers !

Le lendemain départ à 9h. Je suis bien nauséeuse. Je décide de prendre un médicament en fin de journée car la perspective de passer 4 jours dans cet état me déprime. Ceux à la caféine me permettront d’assurer mon quart de nuit, et, espérons, de gagner les bras de Morphée ensuite. Soren va très bien, je crois que ce petit est bien amariné ! Pour les filles c’est plus difficile. Liv essaie régulièrement d’aborder le sujet d’aller chez ses grands parents pour la transat. Nous tâchons de leur faire partager la fierté qu’ils auront à l’arrivée ainsi que l’expérience qu’ils vivent.

La nuit tombe plus tôt. Nous décidons de diviser la nuit en 3 quart, 20h – minuit pour moi, minuit-4h pour Pauline et 4h – 8h pour Christophe.

Quand je prends mon quart, nous naviguons entre 6 et 7 nœuds. Le vent faiblit doucement, tourne, je joue avec le génois sans trop de conviction. En dessous de 1O nœuds de vent, il n’y a pas trop de solution… Tant pis, c’est aussi ça avancer à la voile, accepter de dépendre du vent et de la météo. Les enfants regardent un dessin animé puis finissent par s’endormir sur la banquette du carré. J’en profite pour écouter des webinaires autour de la naissance, de l’empuissancement, du yoga du féminin et je laisse mon esprit vagabonder au rythme des vagues. Quelle chance d’avoir ces 4 jours hors du temps. Je me nourrie des éléments et de tous le contenu que je n’ai jamais le temps de lire, trop prise par le quotidien. A la fin de mon quart la vitesse est revenue. Nous ferons une pointe à 10,8 nœuds pendant le quart du capitaine !!

Jour 2

Après une nuit agitée par les vagues, la journée a été bien plus agréable pour moi. Je me lève avec énergie. Les enfants quant à eux continuent d’être en léthargie. Beaucoup moins de vomi, mais peu d’appétit et ils restent couchés à écouter podcast, musique,…

Nous avons vu des dauphins après le déjeuner. Enfin « ils »ont vu. Je faisais ma sieste et dormait comme une pierre, je n’ai rien entendu.

Nous avons cuisiné le reste des carottes, elles murissent très vite en mer. Forcement elles sont loin de leur élément…

Le vent est plus fort que prévu, nous décidons de prendre un ris pour la nuit (diminuer la surface de la voile). Pauline, notre co-équipière, nous propose ses idées c’est très agréable. Nous sommes heureux d’avoir la chance de partager cette navigation avec elle.

Ce soir, je vous écris pendant mon quart, le ciel étoilé est magnifique, je rêve d’un kinder bueno, information cruciale, signe que les envies reprennent et que j’ai hâte d’arriver. Je lorgne sur un énorme cargo de 300m sur notre route. Il me semble si prêt sur le pilote, mais je ne le vois dans la nuit noire. C’est toujours compliqué d’apprécier les distances. Je compense à ruminer. Dois-je réveiller le capitaine ? Je choisis d’attendre et de voir comment cela évolue. Je fais bien, allant à 13 nœuds, soit deux fois plus vite que nous, il finit par nous dépasser par l’avant, ouf !

C’est drôle comme on se « conditionne ». Je sais que nous en avons pour 3,5 jours, alors je tiens, mais je ne peux m’empêcher de penser : comment vais-je tenir 15 jours ou 1 mois pour le pacifique ? Et je repense à mon envie de me dépasser, de ces nouveaux challenges, et de la fierté que j’aurais en posant le pied à terre dans 2 jours. Je pense aussi aux mots de ma maman, qui, après mon récit de la transgascogne, m’interrogeait sur l’intérêt de repartir pour « se faire mal » ? Pourquoi chercher l’inconfort ? La réponse me paraît tellement évidente ce soir mais certainement pas pour tous, je le conçois.

Je continue de prendre mes compléments alimentaires et mes huiles essentielles le soir pour me détendre et favoriser le sommeil dans cette machine à laver permanente !

Ca y’est les enfants s’endorment dans le carré,  Soren a rejoins son papa. Je n’ai plus que 2h avant que Pauline prenne son quart, je commence mon montage vidéo, un podcast dans les oreilles. Je suis dans mon temps « créatif » du soir, pour une fois que j’ai une excuse pour rester éveillée !

Il est temps de laisser la place à Pauline. Le vent a déjà bien baissé à minuit, et ce sera le cas pour le reste de la nuit. Christophe mettra le moteur à 4h.

Jour 3

Mauvaise nouvelle, la dris de grand voile est encore abîmée. Nous avions déjà remarqué cela après notre transgascogne. Un expert était venu mais n’avait rien noté de particulier. Christophe la coupe, puis fait un nœud. Il semble bien  préoccupé.

Deuxième mauvaise nouvelle, un élément du chariot de la grand voile est tombé, car non vissé. On ne peut plus la remonter. Nous trouvons finalement une solution de fortune avec un petit bout pour la faire tenir.

Nous décidons d’arrêter le moteur pour l’après-midi, nous avons bien avancé le premier jour. Le bruit et le fait de naviguer « artificiellement » est désagréable. Et de fait, nous sommes moins à l’aise sur le bateau.

Il fait beau. C’est pétole comme disent les marins, expression signifiant l’absence de vent. Nous avançons à 2/3 nœuds, mais le soleil brille alors nous sortons la canne à pêche. Nous tentons aussi de mettre le spi, notre belle grande voile rose, adaptée pour les vents arrière et faibles. Les enfants sont heureux de la voir. Nous nous installons à l’avant du bateau, à l’ombre de la voile rose, avec nos livres et podcasts. L’eau d’un bleu marine profond défile sous nos corps, à travers le trampoline. Le temps semble suspendu. D’ailleurs ma montre ne marche plus depuis le départ, signe qu’il était tant de décrocher. Et comme pour terminer de conjurer le sort de la matinée, nous pêchons deux beaux poissons ! Tout le monde crie de joie sur le bateau, quelle belle excitation !! Tout le monde va mieux, nous terminons l’après-midi autour de jeux de sociétés et de débats autour de la recette de poissons du soir.

Après notre bon repas, je décide de tenter mon sorbet au chocolat préparé avant de partir. Mais les glaçons n’ont pas pris. Ce réfrigérateur est compliqué à apprivoiser. Tant pis, nous le transformerons en chocolat chaud pour le lendemain!

Nous rallumons le moteur pour la nuit et réglons les voiles. Nous filons à 6/7 nœuds. J’ai pris mon quart un peu plus tard ce soir, tout le monde était ravi de partager le coucher du soleil. Cette après-midi et ce repas de pêche nous a tous fait beaucoup de bien. Christophe, Pauline et moi échangeons autour du livre « un bonheur sur la mer » de France Guillain, un livre merveilleux mais malheureusement plus édité où elle raconte ses 20 années passées sur un voilier dans les années 60. Ce n’est pas si loin mais les conditions paraissent tellement différentes : aucun moyen de communication, pas de pilote, pas de météo. Mais le fond reste de même : des rencontres aux différents ports, des retrouvailles, de l’entraide, une vie simple et paisible en famille. Peut-être que dans 50 ans, nous programmerons notre bateau au départ et arriverons directement sans avoir à réétudier la météo, les caps etc… nous serons connectés en temps réels aux satellites qui nous indiquerons le chemin.

Ce soir, le ciel est sombre, permettant un magnifique ciel étoilé, la grande ourse est juste à ma droite, elle semble si près !! La lune ne s’est pas encore levée, il semble que son créneau soit plutôt la fin de la nuit. Serais-je un jour lassée de ses moment hors du temps ?
Il n’y a aucun bateau signalé sur l’AIS depuis un moment. Une partie de moi se demande l’intérêt de rester à veiller, mais une autre me dit que je ne pourrais pas dormir sans savoir que quelqu’un veille ! Il paraît qu’en descendant vers le sud, nous rencontrerons de plus en plus de bateau sans AIS. J’ai envie trouvé ma lampe frontale (oups), je vais pouvoir lire en admirant les étoiles.

Jour 4

J’ai une bonne douleur à l’épaule qui ne me quitte pas. La nuit a été longue. Nous déplaçons Soren en fonction des quarts afin de laisser un lit à Pauline. Il dort avec son père en début de nuit, puis je le déplace dans le carré avec ses sœurs à la fin de mon quart. Nous avons en effet transformé la table intérieur en lit, où les 4 enfants passent la journée et la nuit ! A 4h, quand Christophe se lève, il me rejoint dans mon lit. Cette organisation me donne le tournis mais je suis déjà nostalgique de ces moments.

En fin de nuit le vent semble avoir repris, j’entends le moteur s’arrêter. Je me prends à rêver d’une journée avec vent malgré que la météo prévue au départ soit tout autre. Nous échangeons d’ailleurs régulièrement avec notre routeur par message grâce au satellite, afin d’évaluer les changements météo et d’optimiser notre route.

Le moteur reprend au petit matin, c’est fichu… ! Je me lève et nous faisons le point sur la nuit. Nous décidons de retenter le spi. Cela semble fonctionner, nous avançons à 6/7 nœuds, puis la pétole revient. Nous abandonnons et continuons au moteur si nous voulons arriver avant la nuit.

Point positif, les enfants ne sont plus du tout malades, ils jouent aux cartes, font de la peinture, même avec le moteur. Lorsque nous faisons tourner le moteur, les batteries se rechargent très vite. Nous en profitons pour lancer le dessalinisateur pour faire le plein d’eau ainsi que des lessives. Sur le bateau nous nous habituons facilement au calme.

Pauline me masse et utilise ses « pouvoirs magnétiques » pour me soulager. Heureusement qu’elle est là car je suis bien limitée en mouvement.

Elle dessine avec les filles puis craque et se lance dans « le bonheur sur la mer », ce sera le livre de cette traversée.

Ca y’est nous voyons la terre ! Vivement l’apéritif de ce soir 🙂

Nous prévoyons de passer une nuit à Porto Santo, cinq jours à Madère, et direction les Canaries.

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